Enlèvement international d'enfant : rappel des contours de l’exception au retour immédiat de l’enfant en cas de « risque de danger »
Dans un arrêt du 16 février 2022, n°21-19.061, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation revient sur les contours des articles 13 b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d'enfants et 3, §1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989.
Le premier texte prévoit qu’un retour immédiat de l’enfant ne peut être ordonné s’il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable.
Le second texte précise que ces circonstances doivent être appréciées en considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant.
En l’espèce, la cour d’appel a refusé de faire droit au retour de l’enfant au Canada aux motifs :
- d’une part, que l’enfant, aujourd'hui âgée de 8 ans, est parfaitement intégrée en Guadeloupe où elle vit avec sa mère depuis plus de quatre années et où elle bénéficie d'un environnement familial, amical et scolaire favorable à son épanouissement intellectuel, social et affectif.
- d’autre part, qu'il n'est apporté aucun élément sur les conditions du retour de l'enfant auprès de son père, qu'elle ne connaît pas et avec lequel elle ne vivait pas au moment de son départ comme le révèle la décision de la Cour supérieure du Canada du 26 janvier 2015 ayant confié la garde de l'enfant à la mère et un droit de visite et d'hébergement au père.
La Cour de cassation censure cet arrêt. Elle considère qu’il appartenait aux juges du fond de caractériser, au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, le danger grave encouru par celui-ci en cas de retour immédiat ou la situation intolérable qu'un tel retour créerait à son égard.
Ce qu’il convient de relever dans cette affaire est que le retour de l’enfant a bien été demandé et ordonné dans l'année de son déplacement illicite. Ce point est crucial, car il permet d'affirmer que le critère de l'intégration dans le pays d'accueil ne pouvait constituer un motif opérant pour justifier de son non-retour.
Seule la « mise en danger » de l'enfant dans le pays d'origine pouvait constituer un motif utile pour ne pas ordonner le retour.
Si l'on reprend les dates fournies par l'arrêt commenté, l’enfant avait 8 ans au jour de l'arrêt attaqué puis censuré, alors qu'elle n'en avait que 3 lorsque le retour fut requis, en juillet 2017, juste après le déplacement illicite.
Dès lors, le fait que l’enfant vive en Guadeloupe depuis 5 ans (le temps de la procédure, d'un pourvoi et d'une procédure de renvoi après cassation pour absence du ministère public aux débats) a altéré le raisonnement des conseillers de la cour de renvoi.
Même s’il est possible de comprendre humainement leur position consistant à préserver la stabilité de l’enfant dans son milieu de vie en Guadeloupe, ce raisonnement est erroné en droit.
Il en résulte que si le retour est demandé dans l'année du déplacement illicite (ou du non-retour illicite), seule l'existence d'un « danger grave » (que l'opposant au retour doit prouver) peut faire obstacle à ce retour.
Or, les motifs de la cour d'appel étaient loin d'établir l'existence d'un tel danger.
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